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Règlement européen 650/2012: changements très importants à la pratique des successions internationales en Belgique

 

Le règlement relatif aux successions lie vingt cinq des vingt-huit États membres (le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni ont fait choix de ne pas y  août adhérer) et est d’application en Belgique depuis le 17 août 2015.

Toutefois, le fait que la succession concerne par exemple un défunt de nationalité britannique ou un défunt (quelque soit sa nationalité) résidant dans l’un de ces trois Etats membres non liés par le règlement, n’a pas d’impact sur le caractère obligatoire de ce règlement dans l’ordre juridique belge: les juridictions belges peuvent exercer leur compétence le cas échéant.

 

Compétence générale des juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès

 

En vertu de l’article 4, « sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».

S’agissant de la détermination de la résidence habituelle du défunt, l’autorité compétente « devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence ».

La détermination de la résidence habituelle « devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné ». Dans des cas particulièrement complexes, notamment en présence de plus d’une résidence habituelle potentielle, « le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale ».

Le règlement successions a vocation à fournir des solutions à la plupart des questions de droit international privé que peut poser une succession internationale: l’ouverture, la dévolution de la succession, la liquidation de celle-ci et  le partage des biens.

Les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès sont en effet compétentes pour régler la dévolution de l’ensemble des biens successoraux, qu’ils soient des biens meubles ou immeubles, et qu’ils soient ou non situés sur le territoire de l’État membre ou non membre de la dernière résidence habituelle du défunt.

La dévolution de l’ensemble d’une succession est ainsi centralisée dans le chef des juridictions de l’État membre de la dernière résidence habituelle du défunt, empêchant ainsi les héritiers de procéder à un forum shopping dans l’espace de l’Union européenne.

Toutefois, l’article 12 du règlement successions permet qu’une juridiction compétente pour la dévolution d’une succession puisse refuser de statuer sur cette dernière en invoquant un quelconque motif, même discrétionnaire, qui ferait courir un risque que sa décision ne soit pas reconnue ou exécutée dans l’État tiers concerné. Cette disposition restreint ainsi la portée de la procédure, entraînant une éventuelle scission de la succession et une dérogation au principe de l’unité de la succession, recherchée par ce règlement.

 

Compétences subsidiaires d’autres juridictions

 

L’article 10 du règlement prévoit que:

1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dans la mesure où :

a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut,

b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle.

 2. Lorsque aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens ».

Cette disposition vise l’hypothèse dans laquelle la règle de compétence générale ne permet pas de fonder la compétence des juridictions d’un État membre en raison de l’établissement de la résidence habituelle du défunt sur le territoire d’un État non lié par le règlement alors même que cette succession présente des liens étroits avec un État membre. L’article 10 consacre ainsi des règles de compétence subsidiaires qui déterminent la compétence des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se situent des biens successoraux .

L’article 10 consacre la compétence subsidiaire de l’État membre du lieu de situation des biens successoraux, à la condition que le défunt soit ressortissant de ce Etat au moment de son décès.

 

En vertu de l’article 11 du règlement successions, « lorsque aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu d’autres dispositions du présent règlement, les juridictions d’un État membre peuvent, dans des cas exceptionnels, statuer sur la succession si une procédure ne peut raisonnablement être introduite ou conduite, ou se révèle impossible dans un État tiers avec lequel l’affaire a un lien étroit. L’affaire doit présenter un lien suffisant avec l’État membre dont relève la juridiction saisie ».

Cet article vise l’hypothèse dans laquelle l‘introduction d’une action devant les juridictions d’un État tiers est impossible ou déraisonnable en raison de circonstances exceptionnelles, par exemple en raison de guerres civiles, de catastrophes naturelles ou de persécutions politiques. L’article 11 subordonne son application à la condition que la situation en cause présente un lien suffisant avec l’État membre dont la juridiction a été saisie.

 

Domaines exclus du champ d’application du règlement

 

Le règlement exclu de son champ d’application les questions fiscales relatives à l’imposition successorale, notamment à celles posées par les successions transfrontières.

Le règlement exclu également la question des relations patrimoniales entre le défunt et son conjoint ou partenaire: il n’est donc pas possible de faire appel au règlement pour déterminer le droit applicable à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre le défunt et son conjoint/partenaire.

Cette question relève du droit international privé des États membres. Ainsi, la France, les Pays-Bas et le Luxembourg  sont liés par les dispositions de la Convention de La Haye de 1978, tandis que les autres États membres ont pour la plupart adopté des règles de conflit de lois spécifiques aux régimes matrimoniaux, lesquelles peuvent être très différentes d’un Etat membre à un autre.